Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
De Bloomsbury en passant par Court green...
16 décembre 2008

Le Dieu des Abeilles

Le Dieu des Abeilles
de Ted Hughes

Lorsque tu as voulu des abeilles jamais je n’aurais imaginé
Que cela veuille dire que ton Père venait de sortir du puits.

J’ai décapé la vieille ruche, tu l’as peinte
En blanc, avec des cours pourpres, des fleurs, des oiseaux bleus.

Ainsi, tu es devenue l’Abesse
D’un couvent d’abeilles.

Mais lorsque tu as mis ta parure royale,
Voile blanc, gants blancs, je n’ai pas deviné qu’il s’agissait d’un         mariage.

Ce mois de mai, dans le jardin, cet été-là,
Les châtaigniers brûlants, frémissants, se sont penchés sur nous,

Leurs grandes mains gantées réitérant l’offre
Que je n’ai jamais su comment accepter.

Mais tu t’es penchée au-dessus de tes abeilles
Comme tu te penchais au-dessus de ton Père.

Ta page, un essaim noir
Accroché sous la floraison lumineuse.

Toi et ton Père, là au cœur de l’essaim,
Pesant sur ton cou si fin.

J’ai vu que je t’avais donné quelque chose
Qui t’avait transportée dans un nuage de gutturales –

Le cumulo-nimbus de tes nouvelles identités,
Gardien de ta crinière d’or.

Tu ne voulais pas que j’y aille, mais tes abeilles
Avaient leur propre avis sur la question.

Tu voulais le miel, tu voulais ces grandes floraisons
Coagulées comme le tout premier lait, leur fruit comme un bébé.

Mais les ordres des abeilles étaient géométriques -
Les plans tracés par ton Père, prussiens.

Lorsque la première abeille a touché mes cheveux,
Tu scrutais l’intérieur de l’antre bourdonnant.

Ce valet d’écurie empêtré, convoité, piqué -
qui servait de cible.

Et, comme un lièvre tout juste tiré à la tête,
j’ai été lancé sous les balles sifflantes dorées au soleil

Tandis que les abeilles plantaient leurs volts,
Leurs électrodes vibrantes, dans la cible.

Ton visage a voulu me sauver
De ce qui avait été décidé.

Tu t’es précipitée sur moi, ôtant le voile qui te protégeait du temps,
Les gants qui te protégeaient des fantômes.

Mais alors que je restais là, où je croyais être en sécurité,
Extirpant de mes cheveux

Les abeilles collantes, éviscérées,
Une abeille solitaire, comme une flèche aveugle,

A jailli, s’est posée sur le toit, est redescendue
S’est collée à mon front, appelant à l’aide les autres

Qui sont venues
Fanatique de leur Dieu, le Dieu des Abeilles,

Aussi sourdes à tes supplications que les étoiles fixes
Au fond du puits.

Birthay Letters, de Ted Hughes, traduit de l’anglais par Sylvie Doizelet.  Éditions Gallimard.
Le Dieu des Abeilles : page 169/170.

sylvia_plath_1959

Sylvia Plath est décédée en 1963. Pendant 35 ans, son mari Ted Hughes lui a écrit des lettres-poèmes, quelques mois avant sa mort, il en a publié un recueil. Ces lettres retracent leurs souvenirs, leurs personnalités, leur histoire, leurs années non  vécues. Ce livre est rythmé par le souvenir, la nostalgie de leur futur interrompu.

Encore un livre vers lequel je reviens régulièrement. J’y pioche une impression, un moment, un bonheur, une image… la poésie.

Claude

Publicité
Publicité
Commentaires
C
bonjour marco, c'est drôle j'ai failli récemment mettre cette citation sur le blog. <br /> Ouf, tu me rassures c'est normal que je n'ai rien trouvé à "poèmes" !!<br /> bonne fin d'année<br /> Claude
Répondre
M
"J'ai la vision des poèmes que je devrais écrire, mais n'écris pas. Quand viendront-ils?"<br /> Sylvia Plath
Répondre
M
c'est normal que tu trouves pas<br /> il n'y est pas (!) lol<br /> je rêvasse trop<br /> par contre une citation que j'ai remis pour cet am<br /> bon je vais rechercher ce livre et ce poème<br /> noyeux Joël !
Répondre
C
Éric, merci pour l'information, je la fais suivre.<br /> <br /> Marco, c'est certain, quand quelqu'un veut partir personne n'y peut rien ! Nous ne sommes pas non plus dans les histoires personnelles des autres, personne n'est donc en mesure de juger (et puis en quoi cela nous regarde ? je me suis toujours posée la question !). Et là de toute façon n'est pas l'important. <br /> Je n'arrive pas à trouver Plath dans tes poèmes, hum... je vais persévérer ! <br /> Bonnes fêtes de fin d'année.<br /> claude
Répondre
M
difficile difficile<br /> moi qui m'intéresse beaucoup au suicide<br /> je trouve très difficile de juger<br /> je connais sans doute moins Plath et Hughes que vous<br /> j'ai quand même lu birthday letters qui est quand même un OVNI dans le monde littéraire et quelques poésies de Plath (livre qui est dans ma bibliothèque, mais que je ne retrouve pas, tous mes livres sont sur 3 épaisseurs et je ne m'en sors plus)<br /> mais quand on veut se suicider personne ne peut vous en empecher<br /> de même personne ne peut "déclencher" un suicide<br /> c'est vous et vous seul qui décidait<br /> <br /> elle c'était quand même une vraie "écorchée vive", lui trop lointain<br /> pour aller dans votre sens sa seconde femme s'est elle aussi suicidée (!!)<br /> il avait peut-être un mauvais karma<br /> il y a un poème de plath que j'aime bcp sur mon blog dans poètes et poèmes préférés<br /> bien à vous deux<br /> bonnes f^tes de fin d'année !!<br /> marco
Répondre
E
Cette fois ça y est la voilà enfin la première bonne nouvelle concernant Ferney, le cabinet hisse les voiles et <br /> <br /> Le BATEAU LIBRE, LE BLOG DE FRÉDÉRIC FERNEY, <br /> <br /> quitte le port direction "les océans du web"...<br /> <br /> http://fredericferney.typepad.fr/<br /> <br /> Allez faire un tour le pont et laissez un mot au capitaine pour lui souhaiter des beaux voyages...<br /> <br /> Avec mes amitiés voyageuses, justement.<br /> <br /> Eric Poindron<br /> <br /> Le cabinet d'Eric Poindron<br /> http://blog.france3.fr/cabinet-de-curiosites<br /> <br /> P.S. N'hésitez pas à reprendre l'information sur votre blog et à la partager avec vos amis et lecteurs.<br /> <br /> P.P.S. D'autres bonnes nouvelles sont à venir à la rentrée.
Répondre
C
Bonjour Elsa, <br /> oui je suis d'accord avec toi, moi aussi j'ai longuement étudié l'oeuvre de Sylvia Plath (d'ou le Court Green de mon titre). Il n'empêche que j'aime piocher dans ce livre, parce que justement on la retrouve par touches successives dans des situations différentes, (que l'on connaît d'ailleurs si on l'a lu et relu). Et cet autre regard est intelligent, et délicat. Je ne me ferai pas juge de leur histoire, mais je crois que le remord est quelque chose de terrible. Il reste de tout cela que ce sont des poètes formidables .<br /> à bientôt,<br /> claude
Répondre
E
Je n'ai pas lu ce dernier volume de Ted Hughes - j'ai probablement tort. Mais j'avoue qu'après avoir étudié en profondeur l'oeuvre de Sylvia Plath et notamment la version complète - excepté les volumes que Ted Hughes a fait disparaître - de son journal, j'ai du mal à ne pas le rendre au moins en partie, non, en grande partie même, responsable de sa mort.
Répondre
De Bloomsbury en passant par Court green...
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité