Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
De Bloomsbury en passant par Court green...
19 janvier 2009

LA RAVINE DE SERGUEÏ ESSENINE

LA RAVINE

de Sergueï Essenine
Traduit du russe par Jacques Imbert

la_ravine__couverture___2

la_ravine_4_me_de_couverture

La ravine est le seul roman de Sergueï Essenine, il l’a écrit à 18 ans (en 1913). Il a consacré le reste de sa vie à la poésie.


C’est un des meilleurs livres que j’ai lu, je ne pense pas d’ailleurs avoir déjà lu un livre comme celui-ci. C’est formidable, c’est à la fois frais et brutal comme le dit Odile des Fontenelles dans sa préface. Au fil des pages nous nous retrouvons dans la ravine, avec sa végétation, ses habitants… La campagne russe, les parties de chasse, les relations, les amours sont magnifiquement décrits.
« Le ciel embué affichait une couleur de merisier et la lune exsangue, brisée par la crête du coteau, s’amputait d’une moitié plongée dans le néant. » (page 22)

Les saisons se succèdent, et les paysages prennent leurs couleurs : « Le matin, lavé de neige, lança par la fenêtre les éclats de rire d’un soleil rouge sang ». (page 36).

Que dire de plus… « Les baies pendaient en grappes de sang coagulé ; les libellules stridulaient, les râles poussaient des plaintes angoissantes. […] Un élan bondit sur la mousse qu’il aspergea du jus sanguinolent des airelles ; sa large ramure, embarrassée par des tresses de chaume, frémissait. (pages 42-43)

C’est de la poésie : « L’herbe poussait des soupirs, les buissons tressaillaient et dans la Ravine le coucou solitaire s’endeuillait. »


Les hommes sont robustes, rustiques, mais aussi pudiques, la vie est dure, mais l’entraide est constante. Au milieu, de ces multiples personnalités, les coutumes sont fortes et peuvent briser des vies, certains pour y échapper doivent tout quitter. Des rencontres, l’amitié, l’amour. Tout y est.


Je n’avais rien lu de tel jusqu’à maintenant. Je n’avais pas envie de le quitter, je l’ai d’ailleurs lu deux fois, il me faut maintenant le rendre (il est malheureusement un peu onéreux pour moi, mais j’espère bien l’avoir un jour). Quel déchirement !!

Vous savez c’est le genre de livre, qu’il vous faut posséder, parce que si vous l’aimez vous ne vous lasserez jamais de le lire et relire pour retrouver les images, les odeurs, la musicalité des phrases... Enfin que dire de plus quand on est conquise !

Je veux aussi saluer l’éditeur,
Harpo &, pour ce texte d’une part, et puis, comme vous le constatez sur les illustrations le livre est très beau, la mise en page est agréable, originale, et… et surtout, si vous êtes le premier à le lire, vous prendrez votre coupe papier ! Et cela s’appelle Bonheur.

1ère page :

Sur les franges du marais tourbeux et moussu les loups se glissaient. Le meneur brun tendit le museau et fit claquer ses crocs. La horde, silencieuse, avait flairé la proie.
Les hurlements sourds et les appels lugubres réveillèrent le pivert acagnardé aux creux d’un pin.

Du fourré, deux lièvres renâclant débuchèrent et s’enfuirent dans un nuage de neige vers la lisière.

Un convoi grinçait sur le calicot blanc du chemin ; les sacs à fourrage ballotaient sous les licols ; soudain, les chevaux délaissèrent leur pâture et dressèrent les oreilles.
Entre les mailles des buissons, de petits tisons sinistres s’allumèrent puis disparurent.
- Les loups, dit une grande ombre chancelante sous la lune.

- Oui, répondirent les gorges rauques de tousseurs planqués.

Au murmure des aiguilles de pin se mêlaient les craquements inquiétants d’une fragile couche de glace…

Dans l’isba du garde forestier, Vantchock chantait et buvait. Il demandait à Filip la main de sa sœur Olympia et sous le coup de l’alcool il faisait étalage de sa richesse.

Sur une table de planches brutes, le tord-boyaux pétillait dans une carafe à facettes. À chaque verre, Filip pressait sur ses narines un morceau de pain, le humait et l’engloutissait sous la toison épaisse comme de la mousse couvrant ses mâchoires.

La Ravine de Sergueï Essenine, Éditions Harpo &, Version française Jacques Imbert, préface d’Odile des Fontenelles.

Billet posté par Claude.

Publicité
Publicité
Commentaires
C
La ravine reste le roman le plus beau que j'ai lu, même si j'aime beaucoup stifter. <br /> Je ne connais pas Théodore Fontane, je vais me renseigner. <br /> à bientôt <br /> claude
Répondre
M
Il n'y a rien de plus beau que les romans de Adalbert Stifter ! J'aime aussi, en plus cru, Theodore Fontane (Effie Briest, par exemple... dont a été fait un très beau film)
Répondre
C
Bonjour Bernard,<br /> j'adore Adalbert Stifter, j'ai lu tout ce qui a été traduit de lui, je connais aussi Einchendorff et Hofmannsthal mais beaucoup moins. On ne s'ennuie à aucun moment dans leurs descriptions, dans leur cheminement etc.<br /> Et je ne connais toujours pas McCarthy, mais ça viendra peut-être un jour, au gré de mes humeurs ;o) <br /> bon dimanche<br /> claude
Répondre
B
Adalbert Stifter, Eichendorff et Hoffmannsthal sont des vrais maîtres dans "l`art" du paysage. Et moins apocalyptiques que ceux de McCarthy. Ils n´ont pas connu de 11 septembre ...<br /> Bernard
Répondre
C
Marco, je ne l'ai pas lu. Et pour l'instant, je me demande bien quoi lire !! C'est difficile après CE LIVRE !<br /> à bientôt<br /> Claude
Répondre
M
cet excès de descriptions dans une langue d'exception me fait penser au dernier bouquin de Mac Carthy "La route" sans doute LE bouquin de 2008<br /> bien à vous
Répondre
De Bloomsbury en passant par Court green...
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité