Le pressentiment
Le pressentiment
Emmanuel Bove
Un jour, Charles Benesteau, la cinquantaine, de bonne famille, marié, père, avocat, abandonne tout. Il déménage pour aller s’installer dans un quartier populaire où personne ne le connaît, où il aura de compte à ne rendre à personne ! Mais la vie ne fonctionne pas tout à fait comme cela, et, il s’en rendra rapidement compte !
C’est encore un très beau moment, un très beau roman. Peu à peu, Charles Benesteau nous livre les motivations de son départ, sa façon de déjouer les plans de sa femme et de sa famille pour le ramener. Et, comme lui, on se laisse surprendre quand il recrée les dépendances avec une autre famille, celle du «quartier » ! Et non, on ne peut pas vivre sans les autres, même si on le désire profondément, eux, les autres ne vous laisse pas faire… ! Charles l’apprendra à ses dépens.
On est plongé dans la vie d’un quartier avec toutes sa solidarité, mais aussi ses mesquineries, méchancetés, commérages, jugements…
j’ai beaucoup aimé la fin, cette petite pointe de cynisme m’a ravie.
Claude
Première page
Le 13 août 1931, sur la fin de l'après-midi, un homme pouvant avoir une cinquantaine d'années montait l'avenue du Maine. Il était vêtu d'un costume foncé et coiffé d'un feutre d'un gris clair passé. Il portait quelques provisions pour son dîner, soigneusement enveloppées et ficelées dans un papier marron. Personne ne le remarquait tant son aspect était quelconque. Sa moustache noire, son binocle, sa chemise à grosses rayures, ses chaussures de chevreau craquelé comme un vieux vase, n'attiraient en effet pas l'attention.
Au coin d'une rue, il s'arrêta plusieurs minutes pour regarder jouer des enfants, sans se demander si sa curiosité allait provoquer un attroupement. Il avait l'expression attendrie d'un père à qui la mort aurait ravi un fils. Plus loin, pour entrer dans un bureau de tabac, il dut traverser l'avenue. Il le fit avec d'innombrables précautions, un bras levé pour attirer l'attention des chauffeurs, dans le sillage d'une voiture d'enfant. Il faisait lourd. Le ciel était couvert et pourtant la lumière était aveuglante.