Terre Médiane de Henri Cole
Terre Médiane
Henri Cole
Traduction de Claire Malroux
6
Face à moi, tu es endormi. Moi aussi je dors.
Sans doute as-tu raison : je projette
les ambiguïtés de mes propres désirs.
Je sens que je ne te connais que sur les bords.
Parfois je me lève la nuit d'un bond, haletant,
je vois ma jeune tête grisonnante dans la glace
et je recule, comme tout humain, devant le verre froid.
Je n'ai pas le temps d'investir dans ce que
j'ai la prétention de désirer. Mais quand tu ouvres
timidement les yeux et me donnes un coup d'épaule,
je ne suis plus qu'élan et soif,
attiré par la corde de ton bras,
et, chair contre chair, je me rassasie
des odeurs brouillées de la tendre terre noire.
6
In front of me, you are sleeping. I sleep also.
Probably you are right that I project
the ambiguities of my own desires.
I feel I only know you at the edges.
Sometimes in the night I jump up panting,
see my young gray head in the mirror
and fall back, as humans do, from the cold glass.
I don't have the time to invest in what
I purport to desire. But when you open
your eyes shyly and push me on the shoulder,
all I am is impulse and longing
pulled forward by the rope of your arm,
I, flesh-to-flesh, sating myself
on blurred odors of the soft black earth.
Terre Médiane de Henri Cole, traduction Claire Malroux. Éd. Le Bruit du temps. 2011. p. 123.
Je ne connaissais pas Henri Cole, ce recueil est son cinquième (Middle Earth), il a été publié pour la première fois en 2003. Il est né et a vécu au Japon, « l’essence même du Japon pénètre sa poésie et lui révèle une intimité absolue de l’homme avec le monde animal et végétal qui donne lieu à des échanges troublants » (note de la présentation). Son œuvre compte sept recueils, elle lui a valu aux Etats-Unis de nombreuses distinctions. J’aime quelques uns de ses poèmes, pas tous, mais je ne l’ai pas suffisamment lu pour avoir une opinion bien tranchée !
Claire Malroux, est auteure de neuf recueils de poésie, elle a traduit Élizabeth Bishop, Émily Dickinson, Walace Stevens et Derek Walcott. En 2009, elle a publié au Bruit du Temps une nouvelle traduction des Sonnets portugais d’Élizabeth Barrett Browning.
Claude