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De Bloomsbury en passant par Court green...
11 août 2012

Court Green...

Court Green…
extrait de « Froidure » de Kate Moses

 

Court Green est l’endroit dans le Devon où ont vécu Sylvia Plath  et Ted Hughes. J’ai toujours aimé dans les livres ses descriptions, avec les champs de jonquilles etc. Je vous livre ici un passage du livre Froidure dans lequel la maison est décrite, et quelques photos trouvées sur le net. Voici le lien, je trouve cet article très intéressant pour qui s’intéresse à ces deux grands poètes. (http://phdavies.wordpress.com/2011/09/19/court-green-visiting-sylvia-plaths-devonshire-house/)

Je continue à picorer dans les écrits de Sylvia Plath, qui bien souvent me bouleversent dans cet été hors du temps que je suis en train de vivre.

Claude

Au nord-est derrière la lande, en suivant les pâtu­rages humides qui bordent la Taw, après quelques villages élisabéthains enchâssés dans une vallée alan­guie foisonnant de chênes, de sorbiers et de noise­tiers moussus, après des coteaux piquetés de mou­tons écossais à tête noire et de vaches au regard vide, par-delà un pont de pierre qui enjambe la rivière, non loin du sommet d'une petite route pavée pénétrant en courbe dans un des hameaux les plus austères du Devonshire, se trouve une imposante maison de pierre située presque à l'ombre d'une église du treizième siècle, église dominée elle-même par un if monumental. Jadis manoir, puis presbytère, la mai­son délabrée est surmontée d'un toit de chaume sous l'avancée duquel des générations d'étourneaux ont bruyamment élevé leurs petits, année après année. Il y a sept cents ans, les murs épais de cette maison se dressaient pour la première fois dans la terre rouge du Devon ; ils s'y dressent toujours, gémissant sous l'effort qu'ils déploient pour rester debout sur leur éminence bourbeuse du West Country. Ils n'ont pas le choix : les propriétaires de la maison ont garanti aux acheteurs qu'elle tiendrait le choc encore une vingtaine d'années. Elle a besoin d'un coup de pein­ture et de travaux de plomberie. Par ailleurs, on a fait venir des spécialistes pour traiter le bois contre les vers.

La maison est vide. Derrière la lourde porte en chêne sculpté bardée de fer, on trouve un vestibule ombreux dallé de pavés usés ; ensuite, une cuisine à bow-window équipée d'une cuisinière Aga, un office avec un évier en pierre et un garde-manger, un cellier sombre aménagé sous l'escalier. La lumière du soleil pénètre en biais par les fenêtres d'un long hall de pierre à l'avant de la maison, une pièce que les nou­veaux propriétaires ont convertie en salle de jeux meublée d'un piano droit et d'une quantité d'étagères remplies de livres d'enfants. Il y a une banquette sous la fenêtre et une cheminée dans le salon; le plâtre s'effrite derrière le papier peint. En haut de l'escalier, on trouve des chambres à coucher et des bureaux qui ont vue sur l'église, avec son if et son cimetière en pente, sur les trois gigantesques ormes blancs qui viennent ombrager la partie arrière du jardin, sur un court de tennis envahi de plantes rampantes et de vieux rosiers. Les portes, dans la maison, restent tou­jours ouvertes.

À l'extérieur, un mur de trois mètres de haut com­posé de gros blocs de granit entoure les deux hec­tares que compte la propriété. Côté route, une allée aboutit dans une cour goudronnée flanquée d'une grange, d'une écurie et d'un pavillon de domestiques sur le point de s'écrouler. Il y a des dahlias, des gueules-de-loup et des épis de glaïeuls couleur pêche dans les plates-bandes infestées de mauvaises herbes; des sarments de jasmin et des pois de sen­teur aux' feuilles poussiéreuses qui grimpent sur la serre désertée. Des capucines et des bleuets ont percé sous la paire de cytises, dont les fleurs jaune safran sont fanées depuis longtemps ; les myosotis pullulent sous les buis encadrant la porte de la maison. La haie de houx et de lilas bordant la vaste pelouse oppose un démenti aux orties qui ont quasiment supplanté le gazon. Sur le court de tennis prolifèrent des ronces aux mûres violacées, petites boules noueuses pareilles à des poings miniatures au bout de leurs tiges agressives.

Sous les ormes d'une vingtaine de mètres se dresse un très ancien tumulus entouré de fossés, unique vestige d'une place forte datant de l'Âge de Fer. Au printemps, ses flancs et ses remparts sont tapissés de jonquilles et de narcisses, océan onduleux de vert, de blanc et de deux tons de jaune s'étalant sur toute la pente herbue du verger.

Dans le jardin de devant, les fruits produits par les rares cerisiers ont disparu depuis des semaines. Mais, dans le verger, quatre types de pommes, à cou­teau et à cuire, sont en train de mûrir. Mal taillées, les branches des pommiers sont entièrement couvertes de feuilles verdoyantes qui remuent faiblement au vent, paumes en l'air sous la brise ; elles protègent des fruits qui sont, pour la plupart, chétifs et rabou­gris. Dures, ligneuses et d'aspect cireux, certaines pommes n'ont pas dépassé la taille d'un pouce et sont toutes fripées, à l'exception des Quarrendens du Devonshire, les espèces les plus rares et les plus pré­coces du verger.

Personne ne sait avec certitude si la Quarrenden du Devonshire a d'abord été cultivée dans la région; ou bien si elle a traversé la Manche depuis la France. Son nom vient peut-être de Carentan, la ville de Nor­mandie ; pendant la majeure partie de ses trois siècles d'existence, la Quarrenden a été une pomme de jardin, communément appelée la « Quarantaine ».

Personne ne conteste qu'elle soit une variété sédui­sante : une pomme rouge vif un peu aplatie avec des sépales duveteux et une longue tige fine, petite dans la main, aromatique, avec la saveur particulière des baies et du vin au miel. Son seul défaut est qu'elle ne se garde pas, et qu'une fois à maturité les pommes tombent de l'arbre. C'est presque la mi-août et les Quarantaines sont mûres.

Le ciel est en train de rosir derrière l'if, et bientôt l'église sera apprêtée pour l'office du soir. Les lustres médiévaux en fer seront allumés, rehaussant l'éclat des trois vitraux, et les sonneurs de cloches anglicans attendront postés à côté de leurs cordes, les vieux pavés de basalte tout lustrés sous leurs pieds. D'ici là, le seul bruit perceptible sera celui des Quarantaines s'écrasant sur l'herbe non tondue, se talant, leur épais parfum, à la fois sucré et acidulé, répandant soudain ses effluves telle une bougie dégorgeant sa cire fondue.

En continuant dans la même direction nord-est à travers l'Angleterre, jusqu'à Londres et son quartier connu sous le nom de Primrose Hill soit huit heures en voiture, ou quatre en train express depuis la gare de Okehampton -, en pénétrant dans un bâtiment de cinq étages en face d'un square grand comme un mouchoir de poche patrouillé chaque matin par des nounous attentives et de jeunes mères accompagnées de leur progéniture flageolante, en gravissant un escalier minable et en franchissant une porte basse, on tombe sur les nouveaux-propriétaires du manoir du Devon : Ted Hughes, le poète récem­ment acclamé originaire du Yorkshire et ancien de Cambridge, fils de marchand de tabac, et son épouse américaine, Sylvia Plath Hughes, elle aussi écrivain, une élève boursière élevée par sa mère après la mort de son père.

Pages 68-69, de Froidure de Kate Moses traduit de l’américain par Anouk Neuhoff. Folio.

BILLET_COURT GREEN

BILLET_court green_2

BILLET église court green

Église près de la maison, dessinée par Sylvia Plath.

BILLET_court green sylvie et ted et bébé

Sylvia Plaht et Ted Hughes

 

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