Le dernier...
Le dernier gardien d’Ellis Island
de Gaëlle Josse
Ellis Island a fermé en 1954. John Mitchell y était directeur, il avait commencé sa carrière dans le lieu comme gardien. Il est resté seul en attendant la fermeture et le déménagement de l’île par les militaires. Quelques jours avant l’arrivée des déménageurs, il remonte ses souvenirs, et les écrits. Il décrit les événements marquants, son vécu avec sa femme, décédée trop jeune, sa rencontre avec l’immigrante Nella et l’impact que cela a généré sur le reste de sa vie.
Voilà un des livres qui a souffert de mon coup de cœur pour La Belle de Joza. C’est pourtant un beau livre, mais je n’en ai pas profité comme j’en aurai dû. C’est une belle analyse des passions humaines, avec pour toile de fond une description captivante de l’activité du site ; la pauvreté des immigrants, le dénuement dans lequel ils arrivaient, les conditions de voyage, de passage à la « douane »… Je vais lire un deuxième roman de Gaëlle Josse, car, j’ai vraiment le sentiment d’être passé à côté de son écriture.
Claude.
Première page.
Ellis Island, le 3 novembre 1954. 10 heures, ce matin.
C'est par la mer que tout est arrivé. Par la mer, avec ces deux bateaux qui ont un jour accosté ici. Pour moi ils ne sont jamais repartis, c'est le vif de ma chair et de mon âme qu'ils ont éperonné avec leurs ancres et leurs grappins. Tout ce que je croyais acquis a été réduit en cendres. Dans quelques jours, j'en aurai fini avec cette île qui a dévoré ma vie. Fini avec cette île dont je suis le dernier gardien et le dernier prisonnier. Fini avec cette île, alors que je ne sais presque rien du reste du monde. Je n'emporte que deux valises et quelques pauvres meubles. Des malles de souvenirs. Ma vie.
Il me reste neuf jours, pas un de plus, avant que les hommes du Bureau fédéral de l'immigration ne viennent officiellement fermer le centre d'Ellis Island. Ils m'ont prévenu qu'ils arriveraient tôt, très tôt, vendredi prochain, 12 novembre.
Le dernier gardien d’Ellis Island de Gaëlle Josse. Éd. NOTAB/LIA.