Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
De Bloomsbury en passant par Court green...
16 février 2015

Étincelles dans l'abîme de Soma Morgenstern

Étincelles dans l’abîme :
Tome I : Le Fils du fils prodigue
Tome II : Idylle en exil
Tome III : Le Testament du Fils prodigue

De Soma Morgenstern 

Welwel Mohyllewski est un grand propriétaire terrien, très pieux, veuf et sans enfant. Il vit en Galicie Orientale. (Région d’Europe de l’Est qui avant la Première guerre mondiale appartenait à l’Empire Austro-Hongrois, et qui par la suite est devenu Polonais de 1918 à 1939.)Welwel est entouré d’un régisseur, Jankel qu’il connait depuis l’enfance, et d’une gouvernante, Pesje.

À l’occasion du premier Congrès mondial des « juifs fidèles à la loi », Welwel et Jankel se rendent à Vienne. Vienne, où vit le fils de son frère Jossele, mort à la guerre. Frère partit fâché avec toute sa famille, et mort avant d’avoir pu s’expliquer et se réconcilier. Frère qu’il a adoré, haï, son frère le renégat…

Le hasard, (est-ce d’ailleurs le hasard ? Jankel n’avait-il pas une idée derrière la tête eu’il rencontrera Alfred, son neveu, son unique héritier. Page 206, tome I. … Welwel vit les yeux d’Alfred. Il vit les yeux de son frère. Il ne put distinguer le visage auquel appartenaient ces yeux. On l’emportait déjà. Il flottait en l’air, horizontal et blême comme le visage d’un mort. Les yeux aussi s’étaient refermés, les yeux de son frère.

Avec l’accord de sa mère et de son tuteur, le jeune Alfred âgé de 17/18 ans rentrent avec Welwel et Jankel au domaine.

Il s’y fera des amis, surtout le petit Lipouch, il apprendra le métier de la terre avec Jankel, il découvrira la religion de son oncle et anciennement celle de son père, il rencontrera l’amour sous les traits de Donia… Alfred, appelé par son oncle Soussja découvrira tout simplement la vie. Tome II, page 263. Alfred jeta à l’enfant un regard songeur. Lipouch rougit et, d’un geste confiant, posa une petite main très étroite et très sale sur la cuisse d’Alfred. En silence, ils regardèrent l’eau, les roseaux et la cigogne.

Mais c’est sans compter toutes les tensions qui existent dans la région. Ils s’y côtoient de multiples ethnies (Juifs, Polonais, Ruthènes), le multilinguisme (le yiddish, le polonais, l’allemand, l’ukrainien) et les religions (judaïsme et Christianisme). Tant de différence engendrent des climats de suspicions, de haine, de crime…

Face à la barbarie humaine, face à la lâcheté des agresseurs, les tensions s’attisent, l’incompréhension et la révolte grondent. Justice sera rendue, mais jamais le bonheur ne reviendra.

Peu avant la majorité d’Alfred, son tuteur, le Dr Frankl, arrivera au domaine, les bras chargés de cahiers. Jossele, était son meilleur ami, et avant de mourir, il lui avait confié ces documents, en lui demandant de les remettre à son fils à sa majorité.

Commence alors la lecture  du testament de Jossele à son fils Alfred. Testament, dans lequel il explique ses choix, sa vie, ses dernières heures. La lecture se fera à haute voix en présence de Welwel, de Jankel, du Dr Frankl, de Pesje, et d’Alfred. L’émotion est énorme, Welwel comprendra mieux l’attitude de son frère, Jankel retrouvera le garnement, Alfred apprendra la vérité sur le bannissement de son père. Tome III. Page 193-194. L’oncle Stefan et Jankel regardèyrent aussi Welwel, qui ne semblait guère avoir entendu Alfred. Il était assis sur le sofa à côté du Dr Frankl, la main gauche sur les yeux, le coude appuyé sur la main droite. Ainsi avait-il écouté tout le temps. Welwel lui-même n’avait lu que quelques pages, car quand il fut arrivé au passage qui parlait de la querelle autour du petit veau, il repoussa le cahier avec un regard suppliant vers le Dr Frankl, s’adossa au sofa, abrita son front et ses yeux de sa main gauche et resta dans cette  position.

 

Cette trilogie a été saluée à son époque par Stéfan Zweig, Joseph Roth, Robert Musil. On le comprend aisément en la lisant !

J’ai adoré. L’écriture est fluide, précise, sa simplicité apaise (simplicité apparente, mais il n’en ait rien). C’est très beau.

Au fil des livres, Soma Morgenstern, nous familiarise en même temps qu’Alfred avec le judaïsme, ses règles, ses rites… nous le vivons par les yeux du jeune homme, par ses questions, ses difficultés. J’avoue que parfois j’ai trouvé des passages un peu longs sur le sujet. Notre apprentissage se fait en même temps que le sien, et, là est le trait de génie de l’auteur, il fait apparaître au même rythme la montée de l’antisémitisme et du fanatisme. C’est extrêmement bien fait. C’est terrible, violent et en même temps nous y sommes préparés.

Les personnages sont beaux, de par leur simplicité, leurs excès, leurs caractères, leur humanité. Dans cette trilogie Soma Morgenstern réussit d’une façon magistrale à nous mettre face à la réalité abjecte du monde. 

Que lire après un tel chef-d’œuvre, tout est abouti !

Claude

Tome III. Page 346
J’ai tant voulu te raconter, mon cher fils. Je voulais écrire pour toi tant de choses de ma vie. Et que t’ai-je raconté ? Des rêves. Pourtant je trouve que c’est bien ainsi. Sans l’avoir prémédité, j’ai respecté notre ancienne tradition en te racontant des rêves. Dans l’histoire de notre peuple, les rêves ont joué un grand rôle. Le destin de notre peuple est tissé de rêves, depuis le commencement.

Étincelles dans l’abîme, de Soma Morgenstern, traduit de l’allemand par Nicole Casanova. Éd. Liana Levi.

IMG_003

IMG_002

Publicité
Publicité
Commentaires
De Bloomsbury en passant par Court green...
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité