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De Bloomsbury en passant par Court green...
16 août 2016

Les étrangèresd’Irina Teodorescu J’avais adoré le

Les étrangères
d’Irina Teodorescu

     J’avais adoré le premier roman d’Irina Teodorescu « Le bandit moustachu », et je ne peux vous dire qu’une chose, c’est que c’est exactement la même chose pour le second !

     Joséphine a la double nationalité, roumaine et française. Elle ne se sent pas acceptée à l’Est et ne veut pas l’être à l’Ouest. Elle est fille unique, élevée entre deux cultures, amoureuse de sa professeure de piano. Elle se sent perdue dans ce double monde. Page 37. Joséphine se retrouve seule dans la cour de l’école, une chemise blanche et un foulard rouge à l’écart de tous les autres chemises blanches et foulards rouges. Toute seule dans les couloirs, toute seule dans la classe, pendant les contrôles, plus personne ne l’aide et plus personne ne lui demande les solutions. µdes copines jouent derrière les immeubles voisins à pays-pays-nous-voulons-des-recrues, elles sont vingt et elles sont surtout sans Joséphine, tu n’es qu’une petite étrangère, va-t’en, tu ne nous intéresses pas, tu ne peux pas être une recrue pour notre pays ! Mais les pays sont imaginaires, pense Joséphine, ils sont imaginaires, c’est le propre de ce jeu !

     Elle refusera le bac, elle donnera tout pour l’image, la photographie, et elle aura raison, car très rapidement elle deviendra célèbre. Page 64. Maman ours est allée au Palais de la Téléphonie ce matin tôt pour appeler ses parents, elle a eu Mère-Grand à l’autre bout du fil pour l’informer que nous sommes bien arrivées. Joséphine imagine le long fil qui les relie.
- D’emblée ta grand-mère m’a dit heureusement que tu m’appelles, Joséphine est dans le journal, c’est incroyable.
Joséphine avale un morceau de pain.
Dans le journal ? Pourquoi, qu’est-ce que j’ai fait ? Comment ça dans le journal ?
- Eh bien, avec tes photos et ta façon étrange de ne pas passer ton baccalauréat.

     Nadia, 17 ans entre dans sa vie alors qu’elle a une vingtaine d’année. Joséphine fixe la vie, Nadia, elle lui donne le  mouvement. Elle est danseuse, et veut devenir chorégraphe. Joséphine est maigre avec des cheveux courts, et Nadia est ronde avec des cheveux jusqu’aux genoux. Elles sont très différentes, mais leur amour est complet, entier, exclusif et dévastateur.

     Un jour pourtant, Nadia part, elle fuit Joséphine et sa tyrannie. Elle ne veut plus de son emprise. Elle part dans une petite ville orientale qui lui est totalement inconnue. Elle est à la recherche d’un lieu où enfin elle pourra s’apaiser.

     Joséphine est un personnage entier qui malgré les apparences est peut-être celle des deux qui est la plus perdue dans notre monde. Tout et tous doivent faire comme elle le souhaite, et Nadia la première. Nadia la louve, la danseuse avec sa chevelure qui lui arrive aux mollets, Nadia qui aura le courage de fuir pour se retrouver. Certainement parce qu’elle vit le présent alors que Joséphine est dans le passé.

     Ce livre se lit au rythme de la danse de Nadia. Ces deux femmes que tout oppose, se découvrent si complémentaires lorsqu’elles sont séparées. Mais peut-on tout accepté de l’être aimé ? Peut-on céder à tous ses caprices ? rester deux pas derrière elle et s’effacer quand elle le désire ? Est-ce de cela que Nadia a envie ?
Page 155. Nadia contemple pour la énième fois la frise d’images joliment encadrées. Elle parcourt le mur une fois, deux fois, dix fois, elle recule, elle avance d’un côté, puis de l’autre, elle tend l’oreille, elle n’entend pas bien, quelques fragments pourtant, Joséphine est dans une autre salle, elle parle aux journalistes, comment trouve-t-elle ses idées ? Quelle était son intention ? a-t-elle bien accueillie par la Fondation ? Joséphien répond, ne parle pas de Nadia, ne pense pas à elle, le vernissage est ce soir et Nadia est sur toutes les photos, elle et les autres modèles, participants bénévoles excités de se trouver sur un cliché de la grande, de la fameuse, de la célèbre Joséphine ! Une voix d’homme demande pourquoi cette obsession de l’âme en mouvement ou plutôt pourquoi cette obsession de l’âme, Nadia s’éloigne, n’écoute plus, regarde à nouveau les photographies, c’est elle qui donne cette impression de mouvement, c’est elle l’âme de ces poseurs endormis et volontaires, c’est elle qui les tire de leur torpeur, elle les révèle, elle les réveille, Nadia est la dynamique, l’énergie à jamais figée sur ces images par son amoureuse.

     En lisant, j’avais les images de Bucarest, de Paris mais aussi de Kalior tant le style est précis. Je voyais Bucarest changer au fur et à mesure que les mots défilaient, l’avant et l’après la chute du communisme, je ressentais également le changement chez les gens, la liberté et l’insouciance s’infiltraient dans les phrases.

Claude

Première page
Je me suis dressée sur la pointe des pieds, j’ai fait une demi-pirouette, j’ai ouvert la fenêtre et je me suis lancée dans l’air. J’ai eu le temps de penser que c’était là la plus belle danse de ma vie. Mes ailes, grandes, bleu nuit, s’entremêlaient à mes longs cheveux noirs et je me suis dit que, pour mon départ, je portais ainsi le plus élégant des costumes.

Je me suis posée et j’avance maintenant sur ce trottoir gris et vide à perte de vue. Mes pas sont légers, ma valise est lourde. C’est étonnant, vu qu’elle ne contient que peu de choses, j’ai dedans une photo de nous, quelques vêtements, une trousse de toilette très réduite et une paire de bottes de pluie, car parfois il pleut à Kalior et c’est précisément à ces moments, plus qu’à d’autres saisons que j’ai envie de me promener dans les ruelles de la vieille ville. J’accélère mes pas, j’avance, je m’en vais, je m’éloigne, je m’éloigne déjà. Je quitte enfin ce lieu fade.

Les étrangères d’Irina Teodorescu. Ed. Gaïa.

Irina Teodorescu écrit en français.

1540-1[1]

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