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De Bloomsbury en passant par Court green...
4 avril 2020

Le bruit du dégelde John Burnside Ce livre, je

Le bruit du dégel
de John Burnside

 

Ce livre, je l'ai choisi car je trouvais qu'il y avait longtemps que je n'avais pas lu d'écrivains écossais, et cela me manquait. Voilà, c'est chose faite, et je n'ai pas été déçue. C'est un roman dense, complet, dans lequel une vie se raconte, se conte pour en sauver une autre.

 

Kate a sombré à la mort de son père, elle a arrêté la fac, s'est mise à boire et à se droguer. Elle n'a pas compris pourquoi il l'avait laissé tombé, pourquoi il ne l'avait pas prévenu de sa mort prochaine. Elle fuit la vie, elle vit avec Laurits qui évolue dans le milieu du cinéma. La vie passe au gré des soirées alcoolisées et des lendemains difficiles.

 

Un jour, Laurits lui propose de faire une enquête pour un projet de film, il lui donne un plan, les numéros de maisons où elle doit aller interroger les gens. Kate se prête sans vraiment de succès à l'exercice, mais au cours de ses pérégrinations, elle tombe sur une maison qui n'est pas sur la carte. Elle sonne.

 

Une vieille femme est en train de couper du bois, elle lui explique le projet, et la femme lui dit qu'elle serait d'accord pour lui raconter des histoires de sa vie, mais pour cela, il faudrait qu'elle revienne dans cinq jours et que d'ici là, elle n'est pas bu un goutte d'alcool. Page 34. - Éh bien, dit-elle, je dois partir en voyage dans quelque temps, mais je vous raconterai mon histoire, si vous voulez. Pas aujourd'hui, mais bientôt. Je pense que ça pourrait vous intéresser. - Elle se pencha vers moi et me fixa du regard.

- La seule chose que je vous demande, c'est de me faire une promesse.

Cette annonce me déconcerta, bien sûr.

- Laquelle ? Demandai-je.

-Vous devez promettre d'arrêter de boire pendant cinq jours.

Et ce fut alors, à cet instant-là. La requête était incongrue, mais ce fut alors que ma vie changea. Pas à cause de ce qu'elle me demandait, mais parce que je ne me vexai pas et ne quittai pas la cuisine pour retourner à ma routine quotidienne d'alcool et de coucheries embrumées par Laurits en attendant un fantôme qui, je le savais, ne viendrait jamais. Je ne protestai même pas que ce que je faisais ou ne faisais pas ne regardait que moi. J'éprouvai juste une sensation que je peux seulement comparer au vent qui entre par une fenêtre ouverte, gonfle les rideaux puis les laisse retomber, vides.

 

Cinq jours après Kate est au rendez-vous de Jean. Alors commence leur amitié.

Au fil de leurs rencontres Jean lui raconte, sa famille, son amour, son métier, elle nous emmène avec elle dans une Amérique de la seconde Guerre Mondiale, de la guerre froide, du Vietnam, des années 70... À travers son vécu, elle retrace UNE histoire des États-Unis. Cette femme forte qui aujourd'hui âgée coupe son bois, fait ses gâteaux et prépare de délicieuses infusions devient pour Kate un rendez-vous incontournable. Elle lui permet de faire la paix avec elle-même. Et jusqu'au bout, elles seront présentes l'une pour l'autre. Pages 359/360. Les bois, la rue, les maisons étaient totalement immobiles, mais ce n'était pas une simple immobilité, on aurait dit que le temps s'était arrêté, comme il s'arrête sur le plateau d'un tournage, quand la caméra est éteinte. Il n'y avait pas d'oiseaux, pas d'êtres humains, même le vent avait disparu – et pourtant une sensation flottait, d'éternité plus que de temps suspendu, la prescience d'une chose évoquant une Pentecôte telle que je me les représentais, écolière, l'impression qu'à tout moment une flamme bleue froide pouvait surgir des airs en frémissant et m'emplir d'un savoir jamais quêté. Je m'arrêtai et me retournai. Je ne sais pas ce que je m'attendais à voir, mais il n'y avait rien, rien d'autre que mes propres empreintes, une succession des traces bleues que j'avais laissées, remontant le chemin que j'avais parcouru. Je ne sais pas en quoi ça pouvait me paraître magique, mais ce fut ce qui se passa. C'était moi qui avais laissé ces traces. Moi qui étais présente ici, en ce jour d'hiver. Idée puérile, peut-être, mais je compris, alors, que j'avais oublié cette présence au monde pendant trop longtemps et que la seule chose qui m'avait guérie, c'était le fait qu'une vieille femme solitaire, sans autre raison qui me vienne à l'esprit qu'une grâce innée, décida un jour de me faire un cadeau. Et ça me parut soudain une idée magnifique que je lui doive la vie.

 

Je ne vous en raconterai pas plus de la vie de Jean, de sa famille, car il est bien de la découvrir, d'avoir envie de vite tourner la page pour voir ce qui se cache derrière. C'est la même chose en ce qui concerne la belle relation que ces deux femmes si différentes sont arrivées à créer.

 

John Burnside aborde un riche panel de sujets, ce qui rend ce livre captivant, encore plus passionnant. Que ce soit sur les sujets de la guerre, de l'homosexualité, en passant par les Black Panters, la défonce, le deuil et surtout l'amitié, la main tendue, l'amour !

Tout cela dans un style assez poétique, je vous assure qu'il y a des passages magnifiques.

Claude

 

Première page

Faire des beignets, fendre du bois.

Le jour où je fis la connaissance de Jean Culver fut aussi celui où j'arrêtai de boire.

Longtemps, je me suis efforcée de croire qu'il s'agissait avant tout d'une coïncidence. Il est vrai que ce fut Jean Culver qui suggéra l'expérience, mais incidemment et sans insister. Je pouvais faire comme bon me plaisait, ce fut toujours clair. Il n'y avait ni jugement ni espoir d'un arrêt définitif ni volonté de me voir rejoindre un quelconque groupe de soutien. J'avais juste à décider de rester sobre quelque temps, histoire de montrer que j'en étais capable. Ce fut ainsi qu'elle m'embobina, au départ. Elle m'amena à penser que m'arrêter était une chose dont j'avais déjà envie. Ou, sinon envie, besoin. En vérité, j'avais besoin de faire une pause. Besoin de mettre un peu de distance entre Laurits et moi, de revenir à un état pas vraiment défini mais secret, évolutif, comme ce lieu où l'on retourne dans les chansons pop d'autrefois. Par-dessus tout, j'avais besoin d'arrêter de dissoudre chaque fin de journée dans n'importe quel néant de raccroc, et de me mettre à vivre avec ce qui se présentait : les souvenirs, les réflexions après-coup, le retour des sempiternelles questions. J'avais besoin de m'arracher à la fastidieuse grisaille de mon existence routinière. Me soûler, dessoûler, faire une crise de parano, me soûler de nouveau. Peut-être qu'à ce moment-là, c'était ça le pire. Cette grisaille de l'être. Pas de mon être, mais de l'être en tant que fardeau accidentel imposé par le caprice d'un visiteur malveillant sorti d'un vieux conte de fées. Ou, disons, d'un mythe de ces forêts d'Estonie dont Laurits affirma toujours être véritablement originaire.

 

Le bruit du dégel, de John Burnside traduit de l'Écossais par Catherine Richard-Mas. Éditions Métailié.

 

editions-metailie

 

 

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Commentaires
J
Bonjour Colo, oui c'est un beau livre, je ne connaissais l'auteur que de nom, je n'ai pas été déçue, je verrai plus tard pour lire un autre de ses romans.<br /> <br /> Mon dos... oui, c'est bien mieux, mais les séances de kiné me manquent beaucoup pour progresser. à tout bientôt, et merci Colo.<br /> <br /> Claude
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C
Bonjour Claude, des passages magnifiques tu dis, merci. Un auteur que je ne connais pas du tout, c'est noté.<br /> <br /> J'espère que ton dos continue à progresser!
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