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De Bloomsbury en passant par Court green...
31 décembre 2022

La laveuse de mort

La laveuse de mort
de Sara Omar

Autant vous le dire tout de suite, ce livre est glaçant, d’une violence inouïe et je crois que tout le monde devrait le lire !

Je ne sais comment en parler tant est incompréhensible pour moi la violence faite aux femmes, je ne suis pas naïve, mais ce livre m’a fait pleurer. Il est pour moi un nouvel exemple de la bêtise humaine, de sa cruauté, de son besoin de puissance au nom d’une religion mal interprétée, ou devrais-je dire d’un texte d’une religion mal interprété ! Je crois qu’ici, je peux parler de toutes les religions du MONDE.

Nous suivons dans ce livre Frmesk à deux périodes de sa vie, la première à partir de sa naissance jusqu’à environ ses 5/6 ans, puis lorsqu’elle est arrivée au Danemark.

La faute de Frmesk est de naître fille, d’ailleurs son prénom signifie « larme ». Page 45.
- C’est vrai ? s’écria Anwar. Une fille ? J’ai donc attendu cinq ans que cette femme tombe à nouveau enceinte, tout ça pour avoir une fille ?
- Une progéniture de femme indigne, murmura Tofiq.
Gawhar ferma les doigts sur un pan de sa robe et serra.
Rubar était incapable de regarder les hommes. Elle concentra son attention sur les yeux de son bébé et laissa son esprit vagabonder d’un enfer à un autre. Frmesk fixait sa mère de ses yeux sombres d’une telle profondeur qu’ils pourraient eux-mêmes causer sa perte.

En plus, l’enfant est née sans cheveux avec juste un duvet blanc.
Sa grand-mère maternelle est laveuse de mort, c’est elle qui lave toutes les femmes, les enfants assassinés, dont personne ne veut se salir les mains.
Son grand-père, un mécréant aux yeux de tous, a une bibliothèque extraordinaire. Il lit, il ne se contente pas de lire une seule religion mais les religions du monde. Il est ancien militaire.
Ces deux personnes s’aiment, et on ne rencontre que peu de personnes qui s’aiment dans ce livre, ils arriveront chacun à leur manière à protéger leur petite fille de la violence de son père, et de ce monde. Il y a beaucoup de tendresse et de douceur dans les relations de Frmesk avec son grand-père.

Rubar, sa mère a peur que son mari ne tue Frmesk, il parle en effet de l’enterrer vivante. Elle la confie à ses parents, ce qui la protègera pendant un temps.

Elle grandit dans cet amour, et parallèlement, nous voyons vivre ses grands-parents, la guerre, la haine de l’humain au nom de la religion contre la femme. La femme qui n’est qu’un objet sexuel, qui ne devrait que les nourrir et engendrer des fils. Les femmes promises dès leur plus jeune âge, femmes trop belles que l’on tue car elles doivent avoir des amants, des femmes qui n’ont pas saigné pendant leur nuit de noce… Toutes ces femmes Gawar les nettoie, prie pour elle, s’en occupe avec amour, et son mari va ensuite les enterrer.

Ce qui d’autant plus sidérant dans ce livre, c’est que l’on rencontre autant de haine, de cruauté, d’envie de meurtres chez la moitié des femmes. Plutôt que de soutenir…

Frmesk sera protégée mais jusqu’à un certain point car le mal ne vient pas toujours d’où l’on croit.

S’intercalent entre les chapitres d’enfance ceux où Frmesk est adulte, à l’hôpital au Danemark où elle s’est réfugiée, où elle subit opération sur opération… Frmesk dont les nuits sont remplies de cauchemars.

Je ne comprends pas, ne comprendrai jamais religion ou pas religion comment on peut faire du mal à ses semblables, parce qu’ils sont enfants non désirés, handicapés, femmes… que ce soit ici ou ailleurs. Ce livre est extrêmement courageux ! Il ne peut laisser indifférent, c’est le premier d’une trilogie. Quand le premier tome est sorti en 2017 au Danemark, il a valu à Sara Omar des menaces de mort.

Il y a peu d’extraits de ce magnifique texte, j’ai fait le billet il y a un moment, et entre temps, j’ai égaré, ou jeté… mes petits papiers où les extraits étaient notés !!! et oui, quand on n’a pas de tête…

Claude

 

Première page
10 AOÛT 2016

HÔPITAL DE SKEJBY, DANEMARK

Khada sort en courant de la maison. Sa robe est tâchée de sang. Son père est sur ses talons. Il est fou de rage et hurle que la honte vient de s’abattre sur sa famille. « Mon honneur a été bafoué ! Notre famille est en ruine, comme les maisons qui nous entourent. » khanda crie d’une voix rauque. Elle a simplement voulu essayer le vélo, et le sang s’est mis à couler. Elle a peur. Elle voudrait seulement qu’on la rassure. Elle a peur du sang qui a jailli d’elle, si soudainement. Semblable à de l’urine rouge et épaisse. Peur de son père, qui est devenu fou furieux dès l’instant où il l’a vue.

Il l’empoigne par les cheveux et la renverse sur la route gravillonnée. Un attroupement commence à se former. « Elle faisait juste du vélo, crie une voix aiguë derrière eux. Épargne notre fille. Épargne-la, mon mari. Notre petite vie. » le père frappe violemment la fille et la tire à lui. « Je ne peux pas vivre avec une fille souillée ! » hurle-t-il en sortant un couteau de sa ceinture. « Allahu akbar ! Allah est grand ! » cirent les voix autrou d’eux. La chaleur est étouffante. Les pantalons bouffants des hommes leur collent à la peu. Les tchadors noirs à mailles serrées des femmes sont nimbés de vapeur.

La laveuse de mort de Sara Omar, traduit du danois par Macha Dathi. Éditions ACTES SUD.

laveuse

 

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