L'affabulateur
L’affabulateur
de Jakob Wasserman
Au début du XVIIème siècle l’inquisition faisait rage en Allemagne. Ernest, un jeune damoiseau de 12 ans a un don ; il fascine avec les mots. Il affabule, mais ne ment jamais, car ne parle jamais de lui. « … Jamais il ne révélait quelque chose de lui-même, jamais il ne disait comment il se sentait ou ce qu’il avait l’intention de faire, jamais il ne montrait tristesse ou soucis… »
Orphelin de père, sans fortune, sans pouvoir, Ernest est le fils d’une baronne qui n’assume pas sa maternité et son veuvage. Elle le laisse seul pendant des années, avec un percepteur et une dame de compagnie. Pendant ses 6 premières années, il ne parlera pas. Puis, peu à peu, la parole lui vient, et quelle parole ! Il aime raconter des histoires et les partager.
Pour ses 12 ans, sa mère revient au château et peu de temps après, il est envoyé chez son oncle. Évêque, sévère, extrémiste, inquisiteur jusqu’au bout des doigts, sans cœur, froid, il n’hésite pas à envoyer enfants et parents au bûcher. Il est secondé par un être sadique et cruel ; le père Gropp. L’innocence d’Ernest le séduit, ses histoires lui rappellent qu’il a un cœur et un peu d’humanité. Mais tout bouscule, le jour où Ernest lui répond qu’il n’est pas bien de brûler les gens.
Sur les encouragements de Gropp, il le fait emprisonner.
Aussitôt la nouvelle connue, un mouvement se met en place pour le faire sortir. Tout d’abord, son percepteur, sa dame de compagnie, sa mère, qui, si absente au début de sa vie, redécouvre sa maternité et est prête à endurer le pire pour le sauver. Et puis, le peuple, les enfants surtout se met en route, car on ne peut pas emprisonner la parole !! Les histoires d’Ernest ont marqué, elles révèlent aux gens la vie, les sentiments, leur capacité à aimer, de voir le monde par eux même. La preuve que l’espoir peut mettre en marche la majorité silencieuse.
Première page
UN APRÈS-MIDI D’AVRIL, PHILIPPE-ADOLPHE, évêque de Wurtzbouth depuis trois ans, apprit d’un émissaire arrivé au galop que sa belle-sœur, la baronne Théodat d’Éhrenberg, avait gagné, le dimanche de Pâques, son château.
La nouvelle était pour le moins inattendue ; la baronne s’était volatilisée depuis presque huit ans. Son époux, le frère de l’évêque, chambellan à la cour impériale de Prague, avait, l’année où l’Empereur Mathias rendit son dernier souffle, trouvé la mort lors d’un duel avec un certain Wrbna, baron de son état, sans rien laisser d’autre qu’une poignée de ducats qu’on trouva dans sa poche, hormis des dettes, des dettes et encore des dettes. Philippe-Adolphe qui, à l’époque, n’était qu’abbé de Rimpar et chanoine à Wurtzbourg, fut prié de les effacer. Il se refusa cependant à débourser le moindre sou. Sa pingrerie surpassait la colère que provoquait la frivolité dispendieuse de son frère et de sa belle-sœur.
L’affabulateur de Jakob Wasserman, traduit de l’allemand par Dina Regnier Sikirié et Nathalie Eberhardt. Éd. La dernière goutte, 2010.
Ce livre trouve une résonnance dans notre société, même si nous ne sommes plus sous l’inquisition !
Admirable roman ! J’ai été complètement séduite par la plume de Jakob Wasserman, je ne le connaissais pas. (encore merci à la « dernière goutte » qui a un catalogue formidable, et si je pouvais… mais bon, un de temps en temps ce n’est pas mal !)
Revenons à l’affabulateur, j’ai tout aimé, par contre, je l’ai lu bizarrement. En effet l’inquisition me glace, si bien que je me suis un peu traînée au début. Puis, j’ai tout arrêté car je sentais que je passais à côté d’un beau livre. Une nuit sans sommeil (rare) je l’ai repris du début, en mettant de côté toute cette violence au nom de la bêtise qu’est l’inquisition. Et là, merveille des merveilles. Le style est formidable, les personnages sont beaux, beaux avec leur innocence, ou leurs doutes, leurs faiblesses, leur cruauté ou leur bêtise. Et puis, il y a tant d’espérance à la fin de ce livre. Pour terminer ce billet, voici un extrait de la quatrième de couverture : « Lucide et caustique, Wassermann dépeint dans ce Moyen Âge fictif le combat du conformiste et de la liberté, du pouvoir politique et de la poésie. L’inventivité du saltimbanque se rit de l’arrogance des puissants. L’énergie de l’enfance se joue de l’injustice et de l’intolérance.
Claude