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De Bloomsbury en passant par Court green...
29 septembre 2019

Légende du dormeur éveillé de Gaëlle Nohant

Légende du dormeur éveillé
de Gaëlle Nohant

 

Depuis quelques temps, je n’étais pas trop inspirée dans le choix de mes lectures, alors à ma librairie, on m’a conseillé ce livre, et, je l’ai beaucoup aimé, merci à l’équipe de récréalivre !

Bien sûr je connaissais la poésie de Robert Desnos, avec ce livre, je l’ai resitué dans le cadre de sa vie et de l’histoire. Cela m’a procuré une meilleure compréhension de son travail.

Au fil des 600 pages, Gaëlle Nohant relate une époque riche, avec une multitude de personnes. Tous plus intéressants les uns que les autres.
Elle nous donne l’envie de retrouver leurs visages, leurs histoires… (Merci Internet !) Mais pas seulement des noms, des travaux aussi, des courants intellectuels tels que le dadaïsme, le surréalisme, des courants politiques, la naissance du front populaire, la montée terrifiante du nazisme vécue par les intellectuels.

Et puis, visiter l’univers des années folles avec la bande à Robert Desnos est assez génial !

 

Il est né le 4 juillet 1900 à Paris et, est décédé du typhus le 8 juin 1945 dans le camp de concentration de Theresienstadt, peu de temps après sa libération.

Robert avait des dons, celui de l’écriture bien entendu, mais aussi celui de l’amitié. Partout où il allait, il se faisait des amis. C’était un homme qui aimait l’lorsque l’amitié, qui était fidèle aux siens. D’ailleurs lorsque l’on voit la liste des gens qui défilent dans ce livre, cela ne laisse pas de doute. Nerud, Federico Garcia Lorca, Breton, Bataille, Aragon, Barrault, Prévert, Artaud, Crevel, Carpentier et bien d’autres… font partis de ses amis. Même si comme par exemple, avec André Breton, les relations ont été très conflictuelles, il continuera à le respecter.

Robert Desnos était un homme fidèle et droit, il n’a jamais tourné le dos aux siens, même si cela pouvait le mettre en danger. Ainsi il fit des faux papiers pour Vladimir Fraenkel et lui sauva la vie. Il continua à aller le voir pendant toute la période de la guerre même si c’était dangereux.

C’était également un homme qui réagissait au quart de tour ! Il avait de la répartie verbale mais pas seulement, ses poings savaient s’exprimer lorsqu’on le cherchait ! S’il n’était pas d’accord, ou s’il se sentait insulté, ou si on insultait un des siens souvent cela finissait avec quelques yeux au beurre noir, voire au poste de police ! Il était un homme à dire ce qu’il pensait haut et fort. Page 442. Voir Alain Laubreaux gagner la sortie, frustré de ne pouvoir exprimer son fiel, lui est une joie supplémentaire.
- On aurait pu observer une minute de silence à la mémoire de sa pièce, enterrée dans l’indifférence générale, persifle Henri Jeanson à l’oreille de Robert. Un tel four que même son ami Darquier de Pellepoix a jugé charitable de n’en rien dire !
- Ah, il faut lui reconnaître ce mérite : il a tué le théâtre antisémite dans l’œuf ! s’amuse Robert.
Comme si son rire l’avait brûlé, Laubreaux s’est retourné au moment de passer la porte et ses yeux s’étrécissent en découvrant Robert, concentrant assez de haine pour le tuer s’il avait ce pouvoir. Robert lui oppose un flegme narquois et la confrontation s’éternise suffisamment pour qu’Henri s’en émeuve et lui chuchote :
- Ne le provoque pas. Les lâches se vengent lâchement. Dois-je te rappeler combien de fois il m’a envoyé moisir en prison ? Allons féliciter Jean-Louis.

Les chamailleries entre copains étaient courantes, mais l’amitié était la plus forte, ils se donnaient le droit de parler de tout et de tous.

Dans ce livre, Gaëlle Nohant, nous explique ses relations compliquées avec les surréalistes, surtout avec André Breton, avec qui il fut longtemps brouillé. Il n’a jamais voulu entrer dans un groupe, il a toujours voulu garder sa liberté. Liberté d’écrire, de penser, et de dire ce qu’il voulait, voyager où il le souhaitait, vivre comme il l’entendait.

 

Il a eu deux grands amours. Yvonne Georges,  une chanteuse connue dans les années 20. Il lui vouera un amour passionnel qui ne sera jamais partagé. Avec elle, il s’initiera à l’opium, mais arrêtera rapidement. Il lui écrira de nombreux poèmes tels que : « J’ai tant rêvé de toi » ou « La liberté ou l’amour ». Ils resteront amis jusqu’à sa mort en 1930.

Puis, il y a Youki Fougita, de son vrai nom Lucie Badoud. Desnos est devenu ami avec le couple, et est tombé éperdument amoureux de Youki. Ils ont fait ménage à trois pendant un certain temps, puis, le peintre a rencontré une femme avec qui il est parti en Amérique Latine, en confiant Youki à Robert. Ils ne divorceront jamais car il n’est jamais revenu régulariser la situation. Aussi, même s’ils n’étaient pas mariés, Youki et Robert étaient Mr et Mme Desnos. Elle fut son plus grand amour, il répondait à tous ces caprices, elle sortait énormément, allaient avec d’autres hommes, et lui l’attendait. Il lui pardonnait tout, même s’il en souffrait. Il a d’ailleurs dit, qu’il n’aurait jamais voulu une autre femme que Youki. Il a toutefois toujours pu  compter sur elle. Lorsqu’il était emprisonné, elle a tout mis en œuvre pour le faire sortir, puis pour lui alléger ses douleurs en lui envoyant des paquets et des courriers. Elle était arrivée à convaincre un haut gradé de le faire libérer, mais l’intervention d’Alain Lambreaux, ennemi de Desnos a mis un terme à cela, le fit partir et le condamna à mourir dans un camp. Page 496. MARDI. J’ai appris le fin mot de l’histoire. J’aurai retourné toute la ville pour le savoir, mais Gerhard Hella a fini par me donner la clé de l’énigme, sans doute parce que c’était la meilleure façon de se débarrasser de moi.

Il y avait eu un dîner chez Maxim’s. Les journalistes bien en cour y étaient conviés et le commandant Illers, pour montrer que la gestapo savait faire preuve de clémence, leur a fait part de sa décision de maintenir au camp de Royallieu leur confrère Robert Desnos, ajoutant qu’il n’y avait pas grand-chose dans son dossier et qu’il le relaxerait sans doute dans un deuxième temps.

Quand il eut achevé son laïus, Alain Laubreaux s’est levé et a affirmé que Robert Desnos se moquait de lui, que c’était un communiste, un enjuivé, ennemi déclaré d’Hitler et de l’Allemagne. Il n’affirmait pas cela au hasard, il te connaissait bien, ce n’était pas un coup d’épée dans l’eau.

D’après Heller, ces mots sont tombés comme un couperet dans le silence.

 

A la fin du livre, il y a un cahier écrit à partir des mémoires (je suppose) de Youki. Il relate tout ce qu’elle a fait pour lui, tout ce qui se passait dans sa vie, et tout l’amour qu’elle lui portait. Mais surtout le regret qu’elle avait de ne pas lui avoir dit plus clairement. Page 509. En te rencontrant, j’ai su tout de suite que tu étais un personnage. Je sais discerner le talent de l’esbroufe. J’en ai croisé, des petits malins qui se posaient en artistes. Mais je n’ai jamais confondu Foujita avec un barbouilleur, ou pris Robert Desnos pour un poète du dimanche. Ta vocation, je me demande bien d’où elle t’est venue, mais elle tient à toi autant que tu tiens à elle. Je t’ai vu crever de faim sans y renoncer, endurer les boulots les plus ingrats pour le privilège de continuer à écrire ces vers qui ne t’attiraient ni gloire ni fortune, mais qui étaient comme des petits diamants scintillant dans la suie.

 

J’ai été heureuse et surprise de découvrir son rapport aux enfants. Il les aimait, et aimait leur raconter des histoires le soir. J’avais pourtant appris des poèmes de lui en primaire, mais nous n’avions pas leur explication, enfin pas celle-ci.

Page 412. – Hier soir, j’en ai écrit un pour les enfants. Un mélange de réel et de fantaisie. Il s’appelle La fourmi, précise Robert avant de réciter :

Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.
Une fourmi traînant un char
Plein de pingouins et de canards,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.
Une fourmi parlant français,
Parlant latin et javanais,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.
Eh ! Pourquoi pas ?

 

-       Hum… La fantaisie est manifeste, mais où se cache le réel ? sourit Verdet.

-       Eh bien, répond Robert, cette fourmi de dix-huit mètres ne ressemble-t-elle aps à une locomotive, et son chapeau à un panache de fumée ? Dix-huit mètre, c’est la longueur précise d’une locomotive avec son tender à charbon. Et ces passagers de toutes les races parlant des langues différentes.

-       … sont les déportés ? souffle Verdet, songeur.

-       C’est bien possible, murmure Robert. Et le fait qu’on emporte tous ces gens vers  un lieu effrayant, que disparaissent ainsi des milliers de femmes et d’enfants, c’est tellement dur à croire. Et pourtant.

-       Mais vous l’adressez aux gosses, qui s’arrêteront à la fantaisie.

-       Bien sûr, répond Robert. Et c’est bien ainsi. Le réel donne au poème son sens caché. Eux n’en ont pas encore besoin, ils le découvriront bien assez tôt.

Voilà,  j’ai oublié de noter beaucoup de choses, mais c’est un livre très dense et passionnant. Je vous le conseille vivement.

Claude

Legende-d-un-dormeur-eveille

 

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Commentaires
J
Bonjour Tania, oui c'est un livre hyper intéressant pour connaître un peu plus Desnos. Je ne le connaissais pas plus que cela, et ça a été un enchantement.<br /> <br /> à bientôt, Claude
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T
J'ai beaucoup aimé ce roman biographique qui donne l'impression de côtoyer ce poète qui m'enchante depuis longtemps.
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